Du clos des ternes

Du clos des ternes Bullmastiff

Bullmastiff

histoire

Il faut se défaire de l’idée que nos races existent depuis toujours, pieusement perpétuées au cours des siècles. La notion de race pure au sens où nous l’entendons est très récente, quelque chose comme  150 ans, ce qui n’est pas grand chose comparée à la longue histoire du chien.
On aime dire d’une race que son origine se perd dans la nuit des temps, c’est vrai pour nos chiens, si on se réfère uniquement au type qu’elles représentent sans chercher davantage. Pour le reste, leur apparence était essentiellement adaptée aux diverses utilisations auxquelles ces chiens étaient destinés donc une disparité certaine.


La réalité de nos chiens dans l’histoire antique


J’aurais aimé pouvoir vous dire que nos chiens pareils à nuls autres par leur yeux dégoulinant d’affection descendent de quelque animal au joli nom, un Borophagus ou Aelurodon, par exemple, carnivore préhistorique. Cela m’aurait bien plu, mais toutes ces belles histoires manqueraient de rigueur, alors, restons dans la réalité, la recherche dans les textes, les vrais, ceux qui reposent sur des témoignages, et ils sont sans appel.


Pour la littérature, elle est abondante, et les récits de gros chiens costauds qui correspondent au types de nos chiens sont légions ou presque.
Les Perses, étaient amateurs de molosses dont ils appréciaient les qualités de gardiens et de protecteurs ; ils considéraient les mauvais traitement envers les chiens comme un délit. Les molosses étaient également en vogue chez les Grecs et les Romains. Des auteurs comme Lucrèce décrivent leur aspect redoutable et dissuasif ainsi que leur courage, leur fidélité et leur tendresse. J’ai lu quelque part que nos ancêtres les Gaulois avaient des enclos de molosses portant des colliers à clous destinés à les protéger des autres animaux. Le Célèbre Attila entretenait une meute de chiens autour de son camp.


Pour les représentations, elles existent avec des variantes.  Des bas-reliefs assyriens datant de 650 avant Jésus-Christ montrent de grands et puissants dogues chassant le lion, cependant qu’un personnage à la barbe cordée, vautré sur un ancêtre du sulky, suit les opérations d’un air blasé, sous la protection des chasse-mouches de ses esclaves. Sans parti pris, ces dogues ont un air de famille avec nos chiens. On a même retrouvé sur une plaque de terre cuite les noms de quelques uns de ces chiens; ils étaient baptisés de noms dissuasifs : "N’hésite pas", "Travaille des mâchoires", "Amertume des opposants", "Videur des méchants" ...


Ce qui est tout de même à peu près certain, c’est que dans l’ancienne Epire (Grèce du Nord-Ouest et Albanie) vivait un peuple appelé les Molosses. Ils s’étaient fait conquérir par un nommé Molossus qui avait donc décidé, sans modestie excessive, de donner son nom à son peuple. Comme ce peuple avait de gros chiens, il ne restait plus qu’à les appeler "chiens des Molosses" puis "molosses". D’où venaient-ils ? On a pris l’habitude de faire remonter tous les gros chiens au Dogue du Tibet, c’est peut-être vrai mais on manque de preuves.
Hérodote raconte une belle histoire : en l’an de grâce 550 avant Jésus-Christ, Cyrus, roi des Perses, reçut du Roi d’Albanie (région des molosses) un gros dogue. Bien entendu le dogue  fut dirigé vers le Cirque où on lui présenta un taureau, un ours ... Le dogue se contenta de hausser les épaules et de regarder ces piètres adversaires avec dédain ; puis il opta pour une petite sieste. Cyrus, très déçu, fit supprimer ce pacifiste et mit le Roi d’Albanie au courant de la conduite peu glorieuse de son "cadeau". Le Roi d’Albanie, pas content du tout, fit expliquer à Cyrus, qu’il fallait quelque chose comme un lion ou un éléphant pour que ces gros dogues acceptent de combattre ; qu’ils coûtaient cher ; qu’il lui en envoyait un autre ; mais qu’il le priait d’en faire bon usage. Et de fait, quand on présenta au dogue un bel éléphant tout neuf, le dogue se précipita dessus avec une telle furie que si on ne lui avait pas retiré des pattes (l’éléphant coûtait cher aussi et Cyrus désirait l’amortir sur plusieurs séances), l’infortuné pachyderme aurait pu être servi en hachis à la fin du spectacle. Plutarque dit d’Hérodote qu’il connaissait beaucoup de choses mais qu’il était d’une "grande crédulité" .
En effet ; mais cette vénérable galéjade nous montre tout de même qu'il y avait dans cette région de l’Epire, des dogues qui devaient mériter au moins partiellement leur terrible réputation. Dire que c’était des Mastiffs ou des Dogues de Bordeaux n’aurait aucun sens, c’était de très gros dogues et c’est tout ce que l’on peut dire.



Passons en Grande-Bretagne en 55 avant Jésus-Christ à l’époque ou César conquit les Gaules, et l’Angleterre dans la foulée. Il y remarqua de grands dogues dont on peut vraiment penser cette fois qu’ils étaient les ancêtres de nos mastiffs. D’où venaient-ils ? Probablement d’Asie mineure et plus probablement du pays des Molosses, amenés par les grands voyageurs qu’étaient les Phéniciens. N’oublions pas les Celtes qui avaient eux aussi de gros chiens de guerre et une propension naturelle à envahir tout voisin vulnérable ; ces Celtes étaient allés, entre autres randonnées, faire quelques incursions dans les Iles britanniques. Des molosses anglais furent peut-être « envoyés » pour agrémenter les jeux du cirque, en tous cas, on peut parfois le lire.


L’évolution du ou des types de Dogues en Grande-Bretagne pendant le premier millénaire a donné lieu à un certain nombre de théories (Wynn 1886, Watson 1906) entre lesquelles on circule difficilement, ce qui n’est pas très étonnant au regard de ce que nous venons de voir.



L’histoire indifférenciée ou si peu


Le nom de mastive apparaît pour la première fois dans un écrit de Carnute le Danois, "La Carta de Foresta" publiée en 1016.


En 1272, nous voyons apparaître les "Forest Laws" (les lois de la forêt) qui imposent aux "Mastiffs et Dogues de ce genre", une bien cruelle mutilation dite "expedition" : au delà d’une certaine taille, le dogue devait être amputé de trois doigts d’une patte avant ; La chose était très organisée : un fonctionnaire, le "regarder" était chargé d’examiner tous les dogues (du moins ceux qu’on ne lui cachait pas) ; un gabarit (du genre passe, ne passe pas) permettait de jauger la corpulence du chien ; un outillage était prévu pour l’amputation de ceux qui ne passaient pas dans le gabarit .
Les chiens des "landlords", c’est à dire des seigneurs locaux, n’étaient pas amputés et Chaucer au XIVème siècle parle d’une "meute de vingt alans blancs, hauts comme des bouvillons, chassant le lion (ah ?) et le daim". Des bouvillons...! ou bien c’est le mastiff qui a un peu rétréci au cours du temps ou bien c’est le bétail qui a forci !
En France, Gaston Phoebus (1331-1391), Conte de Foix, décrit dans le Livre de la Chasse, l’Alan Vautre (mâtin pour la chasse au gros gibier) et l’Alan de boucherie qui garde les maisons et conduit les bœufs.



Pendant très longtemps, Mastiffs et Bulldogs étaient indifférenciés et on considérait que c’était la même chose. A cette époque, les expositions n’existaient pas et on ne se cassait pas trop la tête pour les appellations.


Néanmoins, une « chienne mastiff » s’illustra à la bataille d’Azincourt en défendant le cadavre de son noble maître "Sir Piers Legh"; ce fut l’origine de la célèbre lignée de Lyme Hall, qu’on dit pieusement entretenue au cours des siècles. Il faut  noter que la vaillante chienne d’Azincourt avait été mariée en France avec on ne sait trop quoi, avant de repartir dans son pays d’origine et que les dessins de cette époque représentant le « mastiff » font plutôt penser à des Flat-coated retrievers de différentes couleurs.
On trouve une description des petits yeux « des mastiffs », dans le livre de la chasse écrit au tout début du XV siècle par Edward, Duc d'York.


En 1570, un certain Conrad Heresbach rédige une description de la morphologie du mastiff et, il décrit "le cri terrifiant de ce chien qui fait fuir les voleurs", on est là en plein rôle dissuasif. Shakespeare (1564-1616) fait dire à un français parlant de ces chiens à la bataille d'Azincourt, "cette Ile d'Angleterre produit de très vaillantes créatures, leurs mas-tiffs sont d'un courage sans égal".



Plus tard, des documents mentionnent que le Roi d'Angleterre Jacques 1er (1566-1625) avait offert des mastiffs à des "col¬lègues" comme le Roi d'Espagne ou du Danemark ou encore au Grand Mongol. Cela explique que des chiens "typés mastiffs" soient représentés sur des peintures de Velasquez.


Au XVI ème siècle, du temps d’Henry VIII, puis d’Elisabeth, nos Mastiffs se produisaient dans des combats contre des ours, des taureaux, ou des lions ; c’était le spectacle du mardi du temps de la Reine Elisabeth.


Le Mastiff était aussi l’ornement de la Cour  et  un  tableau de Van Dyck datant de 1630 montre la famille  de Charles Ier en compagnie d’un gros mastiff qui occupe une bonne partie du tableau.


Au fond, il y avait différentes catégories sociales chez les ancêtres de nos chiens : le chien d’apparat ( celui des seigneurs et de la Cour), le prolétaire dans les campagnes, le chien de combat, et pour finir ceux de "mauvaise vie" travaillant comme garde chiourme chez les pirates par exemple. Ceci explique que, les classes sociales ne se mélangeant pas beaucoup (probablement pas plus chez les quadrupèdes que chez les bipèdes), il en résultait des dérives morphologiques et comportementales importantes qui créaient des variétés dans ces diverses populations (au sens génétique du mot). Ce qui explique que rien n’était clair.
Dans The Dog in Health and Disease paru en 1859 écrit par Stonehenge, figure une description du Mastiff : « une tête volumineuse, tenant le milieu pour la forme, entre celle du Limier  et du Bulldog. Son oreille de moyenne grandeur et tombante ressemble à celle du Chien Courant. Les yeux sont petits. Il ressemble beaucoup au Chien Courant, mais il est beaucoup plus lourd dans toutes ses formes ».
Sa taille est d’environ 25 à 28 pouces (0,63 m à 0,70 m) . Wallace un Mastiff de pure race, appartenant à M.T Lukey mesurait 0,84 m au garrot et pesait 78 kgs. Le Mastiff est un noble et bel animal, très docile et sociable, doué du plus grand courage. On l’emploi presque exclusivement comme chien de Garde et on le croise souvent avec le Bulldog pour lui donner encore plus d’ardeur.



Dans le domaine anecdotique, il faut savoir que des Mastiffs actuels ont un peu de sang Dogue de Bordeaux dans les veines. Une chienne Dogue de Bordeaux, Fidelle de Fénélon, importée aux USA en 1959 fut enregistrée par erreur en tant que Mastiff par l'American Kennel Club ; elle fut "mariée" à un "vrai " Mastiff Merles Alvin et infiltra la race. Des arrière petits-enfants de cette chienne sont devenus meilleurs de Race à des Spécialty Shows (équiva¬lents de nos Nationales d'Elevage) et un de ses descendants nommé The Devil (le Démon !) Of Wayside fut importé en Grande-Bretagne où il devint champion et donna nais¬sance à plusieurs champions.


A vrai dire, tout cela est intéressant à savoir, mais le plus important n’est-il pas que notre mastiff soit devenu grâce à une sélection bien faite depuis une vingtaine d’année, un chien agréable à vivre, sociable tout en restant dissuasif. L’œil sévère et les sourcils froncés associé à un sens le plus souvent inné de la garde décourage les malfrats qui préfère le plus souvent aller voir vers des cieux moins compliqués.